
Le Premier ministre Sébastien Lecornu prend la parole dans la cour de l'Hôtel Matignon, à Paris, le 3 octobre 2025 ( POOL / ALAIN JOCARD )
Sébastien Lecornu a renoncé vendredi à l'article 49.3 de la Constitution et redonne ainsi la main au Parlement sur le budget, un geste salué par les oppositions mais jugé insuffisant pour balayer les menaces de censure.
Le Parti socialiste comme le Rassemblement national, qui détiennent les clefs de la survie du Premier ministre, ont dit attendre sa déclaration de politique générale prévue en début de semaine pour se prononcer sur la question.
"Renoncer à l'article 49.3", qui a permis de faire passer sans vote les budgets depuis 2022, "ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget au 31 décembre", a affirmé le Premier ministre sur le perron de Matignon avant de recevoir les oppositions à l'exception de La France insoumise qui ne souhaite pas le rencontrer.
"Il n'y a donc plus aucun prétexte pour que ces débats (parlementaires) ne démarrent pas la semaine prochaine", et pour que chaque député puisse "prendre ses responsabilités", a-t-il lancé. L'article 49.3 a été utilisé pour faire adopter tous les budgets depuis la réélection d'Emmanuel Macron en 2022. La décision d'y renoncer, présentée par Sébastien Lecornu comme une "rupture", a été prise en accord avec le chef de l'Etat, selon l'entourage de ce dernier.
Ce renoncement permettra-t-il d'éviter une censure ? "Il y a bien un début de rupture sur la forme, mais sur le fond rien n'a changé", a déploré après plus de deux heures d'entretien le patron du Parti socialiste Olivier Faure, qui avait promis de renoncer au 49.3 si la gauche était nommée à Matignon.
- Copie "insuffisante" -

Le patron du PS Olivier Faure devant la presse après son entretien avec le Premier ministre Sébastien Lecornu à Matignon, le 3 octobre 2025 ( AFP / Anne-Christine POUJOULAT )
La "copie" du Premier ministre sur le budget reste "très insuffisante et à bien des égards alarmante", a-t-il dénoncé, réservant sa réponse sur une éventuelle censure après le discours de politique générale pressenti lundi ou mardi.
Le patron des socialistes a notamment déploré que le Premier ministre ne se soit "pas engagé" à un débat et un vote sur la réforme impopulaire des retraites, adoptée en 2023 via le 49.3, et dit craindre une "caporalisation" par le gouvernement des débats parlementaires au moyen d'autres outils constitutionnels.
Avant même la fin de son entretien avec le PS, le chef du gouvernement a fait savoir qu'il proposait la création d'une "taxe sur le patrimoine financier" des holdings familiales, utilisées pour contourner l'impôt, mais pas la taxe Zucman, réclamée par la gauche, qu'il juge "dangereuse" pour l'économie et l'emploi.
Olivier Faure a répondu qu'il fallait regarder le "rendement" de cette nouvelle taxe. "On nous dit qu'on ferait 1,5 milliard. Comprenez que ça n'est pas tout à fait ce que nous, nous présentons".

La secrétaire générale des Ecologistes, Marine Tondelier après son entretien à Matignon avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, le 3 octobre 2025 ( AFP / Anne-Christine POUJOULAT )
Tout cela est "très flou, très décevant", a commenté la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, à sa sortie de Matignon.
Reçue avant le PS, Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN, a jugé que renoncer au 49.3 était "plus respectueux de la démocratie". Mais elle n'a pas non plus tranché sur la censure, espérant des "ruptures", elle aussi, dans sa déclaration de politique générale.
- "Raide" de censurer -
Le renoncement au 49.3 pourrait néanmoins retarder le couperet.
Le patron du Parti communiste Fabien Roussel trouve ainsi "raide" de censurer d'emblée un gouvernement qui renonce à utiliser cet outil alors que c'est une proposition "défendue" par la gauche et qui "rend la balle" au Parlement.
Mais LFI entend toujours déposer une motion de censure "dès la nomination" du gouvernement. "On ne te croit pas, tu n'as pas l'intention de gouverner sans nous forcer, le moment venu", a lancé le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon à l'adresse du locataire de Matignon.
Le camp présidentiel a, lui, salué la décision de renoncer au 49.3. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet y a vu un "acte de confiance envers la représentation nationale". Même Elisabeth Borne, qui y a recouru 23 fois quand elle était Première ministre, s'est félicitée de ce choix de "co-construction avec les parlementaires".
Le patron des Républicains et ministre démissionnaire de l'Intérieur Bruno Retailleau a en revanche émis des doutes, craignant que ce renoncement ne conduise à "une coalition des démagogues" pour faire adopter un budget "contraire aux intérêts supérieurs de notre pays". Il avait prévenu la veille qu'"à ce stade", la participation de LR au gouvernement n'est "pas acquise du tout".
Le renoncement au 49.3, si l'Assemblée nationale ne parvient pas à se mettre d'accord au final, pourrait conduire le gouvernement à passer le budget par ordonnance, a souligné de son côté une source parlementaire.
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